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4ème Clairière

La reproduction gémellaire du Triangle de l’Androgyne

Comment ?

Connaisseur connaît !

Les Anciens décident la résurrection du Hogon enlevé par les vautours. Ainsi, les Maîtres de la langue secrète transmise par la science Al Kémia, choisissent Kamina et Kam, les jumeaux de la nichée des Koumen. Kam et Kamina, les jeunes jumeaux d’Ogotemmêli et Koumba de Bandang-du-Haut, sont les heureux élus. Le petit Kanaan, enfant tombé des cieux des dieux d’eau, deviendra le sommet de ce Triangle de l’Androgyne qui sera fabriqué par Boiro.

Comment ?

Secret ! Secret !

Donc, depuis l’enlèvement du Hogon par les vautours, le ciel de Bandankoro n’est plus tout à fait le même. Il s’est obscurci d’un voile léger,

wone kono mbadha

kono mbattata

Non pas certes que la pureté cristalline de la canicule irradiant dès l’aube soit tachée d’un quelconque nuage pour insinuer quelque velléité de pluie.

Mais, derrière le murmure grésillant, persistance nostalgique de la grande musique des Origines devenue imperceptible aux Nomos, s’est glissée en contrepoint, y creusant un effet de comma, une rumeur opiniâtre et indéfinie, qui d’ailleurs se confond avec le bourdonnement des mouches qui agacinent les Nomos depuis la grande pétrification de la mémoire.

Donc, un nouveau spectre plane sur les cagnas incrustées sur les versants inférieurs du Mont Chacal. C’est une espèce de fièvre qui exacerbe l’étuve de cette parcelle du bout du monde. Naturellement, le Hogon et sa mésaventure sont au cœur de cette ébullition ; des murmures terrifiés passent de bouche à oreille, traînant sur les trognes livides des Nomos, une épouvante faite de vénération muette. Les Anciens s’étaient retrouvés plusieurs fois en Conseil, et l’on parle d’une nouvelle assemblée où tous les Nomos sont conviés.

L’on murmure aussi avec gravité, le bonheur qui frappe à la porte de l’une des niches de Bandang-du-Haut, où habitent Kam, Ogotemmêli son père, Koumba sa mère, et Kamina sa sœur jumelle. Mais la famille élue par le muntu du Hogon - et donc par Le Nomo 7e Lui-même, n’est pas tout à fait heureuse de ce bonheur venant d’outre-tombe. Surtout que chaque couvée de Nomos a déjà en charge l’esprit de ses propres lares. Et l’on ne nourrit pas les dieux avec des hannetons, des tiques ou des asticots. Le défunt Hogon, en élisant la niche d’Ogotemmêli, a de ce fait élu Kam et Kamina, « ces braves enfants nomos », comme on les appelle à Bandankoro, qui font l’admiration de tous, tant ils mettent de la force, du courage, de l’acharnement et de l’ingéniosité à trouver la pâtée ordinaire pour toute la nichée.

Ogotemmêli et Koumba ne sortent de leur alvéole que lorsque Kam et Kamina les portent à bout de bras pour les exposer au soleil. Et voilà Kam et Kamina devant charger sur leurs frêles épaules, toute la majesté du Hogon levé par les vautours. On sait déjà que Kamina est la dernière vierge promise au Nomo 7e. Mais Kam, depuis la randonnée des jeunes au Mont Chacal, ne s’étonne plus de voir l’attroupement de Nomos - qui tiennent d’une façon ou d’une autre sur leurs moignons - au bas de leur niche et qui lui lancent des regards pleins d’envie et d’admiration respectueuse, regards qui toutefois, laissent pointer comme une ombre de malheur. Ou alors tout le monde ne sait pas tout encore. Les profanes qui triturent la parole des Anciens, n’en saisissent souvent que la gangue jetée en pâture aux non-initiés.

Ils ne manquent aucune occasion de voir les élus.

Ils sont toujours là, ramassis de chairs bouffies, à regarder Kam et Kamina sortir tous les matins leurs parents grabataires, pour leur bain de soleil quotidien. Les élus et leurs parents feignent de ne plus faire attention à ces visiteurs. Ogotemmêli, scrutant les visages qu’il ne peut pas voir, fait mine de chercher quelqu’un.

- Kaminou, je n’ai pas vu le petit Calao ce matin.

C’est ainsi qu’il appelle le petit Kanaan qui vient souvent aider Kam et Kamina à sortir Ogotemmêli et Koumba, puis tous les trois s’en vont à la chasse. Kanaan est l’un des rares Nomos avec qui Ogotemmêli échange des propos suivis, qui prennent souvent le tour de longues discussions. A Ces rencontres qui commencent toujours par,

ko mbaloudha niamoudè ?

kirimbon !

Ko nialludha niamoudè ?

Kirimbo !

 

O toi hyène,

après la dernière chienne,

qu’as-tu mangé ?

allant belle erre,

 

les restes de ta mère,

trifouillés de sous terre ! 

en as-tu laissé aux vautours,

rien aux fourmis magnans ?

Le petit Kanaan ne se contente pas de boire les évocations de noms de choses et d’êtres ou même les merveilles du Pays de la Grande Eau, dont il a fini par connaître le moindre empan. Sceptique, il n’hésite pas à demander au vieillard qui est aveugle, de lui comparer telle chose de ce pays des merveilles, à telle autre de Bandankoro, pourquoi Ogotemmêli lui parle de choses qu’il n’a pas pu voir. Ogotemmêli qui a depuis longtemps déserté les Conseils des Anciens, non pas qu’il soit plus cadavéré que ses pairs, ni même à cause de sa cécité, mais comme il le dit un jour à Kanaan, parce que « le corps pourri ne délivre que des paroles pourries ».

- Kaminou, pourquoi le petit Calao ne m’a pas visité ce matin ? lance Ogotemmêli.

- S’il ne vient pas ce matin, il viendra demain, dit la vieille Koumba, qui a l’air plus solide que son mari.

Koumba ne reste étendue auprès d’Ogotemmêli que quelques instants, juste le temps de se sentir encore vivante, et par on ne sait quel miracle, quelle force, peut-être celle de la nostalgie dont elle perçoit l’appel nacré à travers les cannelures de sa conque VihnuVénus qu’elle plaque à son oreille. Légère comme une glycine, elle se lève alors et glane dans les fondrières desséchées qu’elle pèle, bêchant avec ses doigts hersés dans les petits mamelons calcaires ensevelis sous la latérite. Elle fait ainsi des tours et des va-et-vient interminables, suivant la ligne imaginaire de la tapade d’épineux, de ronces et de pourguères qui jadis, il y a longtemps, vraiment longtemps, protégeait, elle le raconte seulement, le petit potager de calebassiers, de courges, de gombos baignés dans la frondaison d’un jujubier et d’autres arbres fruitiers. Mais il n’y a plus trace de ce fourmillement juteux à ce point vernal qu’elle entend, l’oreille collée à sa conque. 

Quels mauvais vents ont donc soufflé sur cette maudite terre de Bandankoro ? En vérité, les raquettes rebelles de sisal balisant les mirages flamboyants des sahels désolés de certaines parcelles du monde seraient un paradis verdoyant, à côté de ce royaume du Chacal.

Koumba marmonne des airs nostalgiques comme aux temps joyeux des travaux solidaires, ces cumbites de moissons qui agitaient tout Bandankoro, du moins, c’est ce dont on se berce à présent, lors des veillées au clair de lune, en compagnie des mouches.

- Koumba, tu as trouvé un mulot ou peut-être même, voyons, un agouti, un ratoto, c’est cela, un ratoto, boff, un pou de bois, raille Ogotemmêli. Mais Koumba répond sans ironie : « Je ne peux pas trouver de pou de bois quand il n’y a pas de bois. »

- Dans ce cas qu’as-tu à chanter des airs de cumbite !

- C’est parce que je chante des airs de cumbite que les enfants ramènent toujours quelque chose.

- Les enfants n’ont pas besoin de tes chansons tristes ! Viens donc me masser les côtes.

Koumba rit alors à gorge déployée, ce qui déclenche une toux hectique dont les quintes déjettent sa petite silhouette qui finit par vaciller comme une feuille morte.

Una folia seca du roi Pelé qui trône sur le sommet éponyme du volcan où des dieux se font une guerre, sans une goutte de sang..

« Qu’est-ce que je raconte là, se murmure Koumba.. » De quelle Parcelle du Monde lui viennent ces délires silencieux ? Elle s’étend doucement aux côtés de son mari, la conque de VishnuVénus collée à l’oreille. Ils n’échangeront plus aucun mot jusqu’au retour des enfants, à la tombée de la nuit ou au petit matin.

(…)

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« En ce jour inaugural, jour anniversaire du grand NON hygiénique devenu historique, je vous demande en ce jour glorieux, le plus grand crachat sur cette tourbe, cette saumure suppurée de la haute trahison ! Honte à ces damnés qui rampent la gueule ouverte sous les génitoires du Siècle ! Car dès l’aube, un cargo chargera de nouveaux avatars, d’autres larves avortées des sept glorieuses qui subiront le sort de cet infâme Quouandié, cette charogne qui a dû être boudée par les vautours eux-mêmes ! »

A ce nom, la rage de Kanaan devient insupportable. Il presse à le broyer son petit caillou. Pourtant, il sent comme une vague de tristesse et de nostalgie qui l’aident à prendre sa colère en patience, en l’éclairant d’une brillante lucidité. 

« Un acte t’appelle… », se dit-il encore.

Ainsi donc, le Guide Suprême est ce pantin monstrueux, tout rutilant de joyaux burinés dans le sang des Nomos ; voici donc le tortionnaire qui du Pays de la Grande Eau, fomente la mort lente là-bas, derrière la muraille flamboyante. Ce peuplement d’autres Nomos à la mémoire en exil, ainsi cherchaient vainement à survivre de l’engloutissement par la fabrication d’une mythologie des Origines, oublieuse de l’origine de leur damnation. Voici la racine de la dessiccation de toutes choses là-bas, qui s’ancre ici dans le brouhaha et la tyrannie pantelante d’un monstre gorgé de sang, leur sang.

« Un acte t’appelle »

« Voici l’œuvre pour laquelle Nous avons renoncé à tout. Oui, pour elle, nous avons dédaigné l’agitation vaine dans des monstres de béton, la frénésie et le tourbillon des échangeurs automatiques, les turbines abrutissantes et la falsification en chaîne, l’accumulation primitive et sauvage de montagnes de gadgets d’acier ; nous avons refusé le massacre de nos campagnes pour d’illusoires satisfactions des boyaux dont nous avons glorieusement repoussé la tyrannie ; nous avons renoncé à la course à trappe de l’abondance du bonheur en greffes de sauvageons..

« Et voici maintenant, réalisé, ce rêve inscrit dans cet appel glorieux d’un de nos ancêtres immortels,

« Si tous les fils de l’Empire balkanisé

Par leurs mains assemblées

Venaient à boucher les trous de la jarre percée

Le Royaume serait sauvé »

NB : reproduction interdite, droits réservés.

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New-York : Un migrant guinéen tué à Brooklyn…

 

NEW-YORK-Un jeune migrant guinéen a été tué mercredi 28 février 2024 dans la soirée dans l’Etat de New-York, aux États-Unis d’Amérique.

 

Nouvellement arrivé à New-York en passant par le Nicaragua, Lamine Bah, 33 ans, a été abattu dans une rue de Brooklyn, a appris Africaguinee.com.

Il a reçu une balle dans la tête devant les appartements Ebbets Field sur McKeever Place, près de Sullivan Place, peu avant 18 heures à Crown Heights, rapporte le New York Post, citant des sources policières.

 

La victime a été transportée d’urgence à l’hôpital du comté de Kings, mais elle n’a pas pu être sauvée. La police qui a ouvert une enquête recherchait  deux hommes qui ont quitté les lieux du crime.

Nous y reviendrons !

Africaguinee.com

Créé le 29 février 2024 07:33
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Il s’agira surtout ici d'un propos général de sociologie littéraire.

Commençons par une banalité : les livres, comme tous les autres produits dits culturels, circulent depuis longtemps dans un immense marché mondialisé. La littérature n’y jouit plus d’aucune élection naturelle, si tant est que ce fut un jour le cas. Elle doit se battre, valoir, rapporter, rendre des comptes (bien concrets) ; et si quelque lumière la distingue encore, elle vient comme d’une étoile pâlissante, ou tout à fait morte, mais dont le scintillement nous arriverait d’un passé plus ou moins lointain.

Les écrivains sont les héraults de cette constellation glorieuse et ancienne. Ils peuvent être attendus, espérés, respectés, aimés, accueillis dans les lieux intellectuels ou artistiques les plus prestigieux et chics de la planète. L’agonie des symboles est plus lente que celle du réel qui les a produits. Il serait pourtant suicidaire et comique de leur part de se prendre trop au sérieux (ce qui n’est pas une mauvaise chose). Installés dans une foire à côté d’un vendeur de luminaires ou de rongeurs empaillés, il n’est pas certain que leur table soit plus fréquentée.

Cependant, malgré ses airs de souk ouvert à tous vents, tous les livres n’accèdent pas à ce marché. Je n’ignorais pas qu’il y avait des inégalités entre les livres ; le marché, par ses brutales sélections, les creuse. Autrement, il ne serait pas marché. Un livre n’entre dans ce circuit qu’à certaines conditions (avoir un prix remarqué, avoir un succès remarquable, être écrit par une personnalité mondialement reconnue ou jouissant d’un capital médiatique élevé, par exemple), mais toutes ces conditions sont inutiles sans ce pré-requis : il faut être traduit.

Toute place dans le marché littéraire mondial est déterminée par le coefficient de traductions impliquées. Et si les langues qui dominent ce marché sont présentes (l’anglais, le français, l’espagnol, l’arabe, le portugais, auxquelles on pourrait ajouter le mandarin, l’allemand, le coréen et l’hindi), l’affaire est bien engagée. Autant dire que peu de livres jouissent des privilèges les plus élevés de ce circuit. La plus secrète mémoire des hommes a eu la chance d’en avoir beaucoup. Je les ai reçus avec gratitude, sans oublier d’où je venais ; sans oublier, par exemple, qu’avant

La plus secrète mémoire des hommes, mes trois précédents romans, qui avaient pourtant reçu une relative reconnaissance dans l’espace francophone, cumulaient l’extraordinaire chiffre de… trois traductions publiées.

Et l’Afrique, dans tout cela ? J’y viens.

Dans la plupart des pays où je suis allé, j’ai systématiquement demandé (à mes éditeurs, à des professeurs, à des lecteurs, à des traducteurs) quels étaient les écrivains africains contemporains qu’ils publiaient/traduisaient/lisaient/enseignaient/connaissaient. Un nuage d’une douzaine de noms (maximum) se levait. Sur ces douze, trois ou quatre francophones (maximum) à chaque fois, moi inclus. J.M. Coetzee, évidemment, ne compte pas.

On restait dans les mêmes proportions du côté des classiques. Lors de tous ces voyages aux quatre coins du monde, si on excepte les pays africains, la donne est simple : je n’ai croisé aucun autre écrivain africain. La seule que je peux mentionner fut, dans un festival aux Pays-Bas, Leïla Slimani, mais il me semble qu’elle est identifiée comme écrivaine française avant d’être vue comme écrivaine marocaine.

Certes, c’était « ma » tournée, et pas celle d’autres. Mais cela n’invalide pas ce constat : il y a une marginalité évidente des livres écrits par des auteurs africains (et par conséquent, des auteurs africains eux-mêmes) dans le marché littéraire mondial. On ne traduit que peu vers les langues africaines. On ne traduit quasiment à partir d’aucune langue africaine. Lorsque cela arrive, et qu’un livre d’abord écrit dans une langue africaine passe le cap des quatre ou cinq traductions, c’est souvent qu’une langue d’accueil intermédiaire (une de celles que j’ai mentionnées), et non la langue originelle, a servi de base pour les traductions suivantes.

Exemple : s’il existe une traduction d’un livre de Ngũgĩ wa Thiongʼo en espagnol ou en japonais, il y a fort à parier qu’elle ait été faite à partir de l’anglais, plutôt qu’à partir du gikuyu (ce qui est, à mon avis, une aberration technique doublée d’un mépris politique : je crois, et je ne suis pas le seul, qu’il ne faudrait jamais traduire à partir d’une traduction, mais c’est un autre débat).

Le tableau ne paraît pas très reluisant. Et pourtant, la marge a ses nuances : elle constitue une niche propre, et suscite par conséquent une sorte de curiosité. Les livres africains, lorsqu’ils intègrent les circuits mondiaux de la littérature, y marchent comme des « phénomènes » (à divers degrés, évidemment) dont l’attrait est redoublé par leur rareté céans. Cette rareté incarne l’ambiguïté même : pour quelques élus, combien de grands textes africains inconnus, d’immenses auteurs (classiques ou contemporains) qui ne seront jamais connus au-delà de quatre ou cinq langues ?

Bon, tout cela est à relativiser : la situation de l’écrasante majorité des écrivains africains (peu voire jamais traduits) ne diffère pas vraiment de celle de l’écrasante majorité des auteurs français, par exemple, parmi lesquels un faible pourcentage connaîtra les joies, privilèges, solitudes et comédies du marché littéraire mondialisé. Mais à la différence des premiers, les seconds disposent d’un public naturel, qui peut les reconnaître pleinement et les porter économiquement et symboliquement. Cela est plus difficile et moins fréquent pour leurs homologues identifiés comme africains.

Mbougar Sarr