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Actualités de Guinée Conakry. Nouvelle République de Guinée, www.nrgui.fr

La révolution culturelle de Mai 68 initiée par des étudiants a commencé le 22 mars 1968

La révolution malienne conduite par les jeunes maliens (étudiants notamment) a eu son point d’orgue par le coup d’état conduit ce vendredi noir par Amadou Toumani Touré, (ATT)

Le coup d’état constitutionnel de l’ex maoïste et soixante huitard Alpha Condé, eut le 22 mars 2020.

Voici le témoignage d’un jeune malien illustrant l’adage qui dit que les victoires (populaires) ont plusieurs pères, les défaites, orphelines.

En priant pour le repos de l’âme de l’illustre disparu de ce lundi 9 novembre 2020, qui contribua au succès de ce soulèvement populaire, en arrêtant de justesse le carnage ordonné par Moussa Traoré, aujourdhui disparu, après s’être repenti, il me semble (Paix à son âme).

Was-Salam,

Saïdou Nour Bokoum

www.nrgyi.fr

22 mars 1991 : le vendredi noir, Bamako à feu et à sang, le bruit des coups de feu, des explosions, l'odeur de poudre, les colonnes de fumée, les cris, les blessés des centaines dans la journée beaucoup par balles réelles ou victimes de grenades, les morts, 76 à Bamako seule à 18h, groupes de manifestants armés de pierres, de cocktails Molotov d'un coté, soldats armés de fusils avec de vraies balles et de grenades, en camion, à pied, les blindés partout, les deux camps ont tenu leurs promesses.

La ville est un champ de guerre depuis le petit matin, la vision est apocalyptique. Nous sommes en plein mois de ramadan, un vendredi, il n'y eut pas de prière de vendredi à la grande mosquée de Bamako. Les hôpitaux sont débordés. Certaines victimes sont fauchées chez elles par des balles perdues. Nul est à l'abri chez lui ou dans la rue.
Moussa traoré a tenu parole.
Depuis le mois de février au sein de la commission adhoc, les représentants du régime ne cessaient de le répéter.: "SI vous sortez encore, vous aurez à faire à l'armée. Le président à donner l'ordre aux soldats campés dans les régions de rejoindre Bamako après les débordements des 21 et 22 janvier 1991. Vous devez vous engagés de vous tenir tranquille dans les classes et de ne manifester pas en commettant d'actes de vandalisme. Sinon l'armée va sortir et va tirer sur vous". Ces propos m'ont fait réagir lors de la dernière séance de la commission adhoc mise en place par le ministre de la défense, pas de l'éducation mais de la défense pour négocier la réouverture des classes. C'était tout un symbole.
Nous étions à la bourse du travail de Bamako, ce mercredi 13 février. Il était environ midi passé. Ces propos révoltants ont été tenus d'abord par une dame. J'étais choqué, indigné et révolté mais j'ai gardé mon calme, et puis je la croyais. Ensuite ces propos ont été repris par un homme, un jeune de la délégation du pouvoir. Alors j'ai fait quelque chose qui ne se fait pas tous les jours dans une salle de négociation.
Je ne doutais pas de la sincérité des envoyés du régime, non je les croyais mais j'étais furieux pour bien de raisons. Alors :
1) calmement j'ai d'abord répondu en ces termes :
"Allez dire à Moussa Traoré que s'il veut faire sortir notre armée, l'armée entretenue par les impôts de nos pauvres parents, l'armée dont les soldats sont nos propres frères, pères et oncles, qu'il peut le faire. Et que nous n'attendions que ça. Qu'il ose le faire et on verra, mais jamais nous ne reculerons devant lui, ni ne renoncerons à nos revendications légitimes pour le bien de l'école et du pays. Dites lui qu'il ne nous fait pas peur. Dites lui que nous croyons au jugement du temps".
2) Puis je me suis adressé directement et personnellement au jeune responsable qui venait de parler.
"Je dis, toi, tu te déshonores, tu déshonores la jeunesse malienne" et ensuite je me suis levé en essayant de me jeter sur lui et d'en venir aux mains. Les gens m'ont retenus. On calma la tension dans la salle, ensuite la séance fut levée. On se salua de façon normale et chacun s'en alla de son coté. Dans le journal de 15h de ce mercredi 13 février ils ont annoncé la réouverture des classes pour le lendemain.
J'ai parlé avec Moussa Traoré de cet incident de la bourse de travail. J'avais été secrétaire général de l'UNJM du lycée de Bougouni durant l'année scolaire 1988/99. En tant que tel j'étais membre de droit de la section de la jeunesse du parti unique pour le cercle de Bougouni. Il est arrivé qu'après une réunion le weekend de la section UNJM, le secrétaire général par interim m'appelle pour me demander de rectifier certains propos que j'avais tenu lors de la réunion et qu'on ne pouvait envoyer à Bamako. Que ce ne serait ni bien pour moi ni pour la section de Bougouni. Alors je lui disais de supprimer les parties ou de les formuler comme il le souhaitait. A quoi Moussa m'a répondu que l'un de ses ministres des sports a dit que lui n'aimait pas le football. Ce qui est faux selon lui.
Ma tentative de transformer une salle de médiation en ring de boxe, était un choix calculé. Ce genre d'incident est souvent rapporté beaucoup plus qu'une phrase. Je me disais donc que tout le microcosme politique à Bamako apprendrait au sujet de mon geste qui me faisait passer pour un fou incontrôlable. Je voulais que tout le monde sache y compris au palais que nous étions des fous incontrôlables prêts à l'affronter quoiqu'il en coûte.
Mais visiblement ce 22 mars prouvait que Moussa était sourd et aveugle et il était plus fou que nous tous réunis.
Le comité directeur du 17 a osé le défier pour l'abattre, et il est tombé pile dans le panneau.
Mais on comprend pourquoi il est tombé dans le panneaux. Jusqu'à la veille du vendredi, la radio et la télévision nationales n'étaient remplies que d'éloges et de messages de soutien, des fêtes gigantesques, des manifestations dans les sections, tous glorifiant Moussa Traoré, le grand démocrate, le grand humaniste. Ce sont exactement les mêmes sections, le même parti, l'UDPM, qui ont lâché Moussa Traoré dès le 23 mars s'auto dissolvant; car même les fous savaient déjà à Bamako dès le matin du 22 mars à 8h que le régime de Moussa Traoré était fini et appartenait désormais au passé, que le peuple malien l'associait désormais à Satan en personne.
Longue et rude journée ce 22 mars 1991.
Les cellules de crise avaient reçu la consigne d'attaquer les cibles proches d'elles, ainsi nous étions simultanément en action comme prévu partout dans la ville, aucun quartier n'est épargné. Elles ont fait le boulot proprement partout.
Les leaders avaient reçu la consigne d'être devant l'ENA dès 6h du matin pour faire un sitting sur la route et empêcher Moussa traoré de venir travailler à son bureau à la maison du peuple, l'actuel siège du Haut conseil des collectivités.
Les policiers qui sont venus nous mattraquer sur la route étaient quasiment plus nombreux que nous. C'est que la zone était particulièrement protégée par au moins une demi centaine d'hommes en tenue.
Nous avons été éparpillés très tôt. Nous sommes descendus par les petites rues de Dar Salam.
Nous sommes arrivés auprès du cimetière chrétien de Bamako juste dans la rue près de l'ancien siège de l'ADEMA. Nous ne sommes pas plus d'une quinzaine et nous sommes tombés nez à nez avec deux soldats dans la rue. Brefs échanges de pierres et d'un coup, à cours de pierre, les soldats ont commencé à fuir, un troisième était caché dans la rue, et boom, il nous a tiré dessus. L'une de mes voisines est tombée, la joue déchirée. De justesse la balle c'était en pleine tête. Nous la mettons dans une voiture vers l’hôpital. Elle a survécu mais elle est défigurée à jamais malgré la chirurgie plastique.
On se disperse. Je veux faire une tournée d'inspection du terrain. Nous descendons vers le grand marché en compagnie de quelques camarades dont Yehia Ould Zarawana à l'époque membre du comité AEEM de l'ENPT, et Seydou du Lycée Sankoré. Arrivés au gra,d marché c'était incroyable, il n'y avait plus de marché. De passage, je vois une bouteille de gaz dans le feu au bord de la route. Je dis aux camarades d’accélérer un peu le pas en désignant la bouteille dans le feu. Juste derrière nous, à moins de dix mètres marchait un homme, Yaya Kaba, directeur adjoint du Plan. La bouteille de gaz a explosé, un projectile le prend en pleine tête, lui crevant un œil. Nous le prenons aussitôt direction l’hôpital. Sur la route des commerçants nous secoururent en nous transportant vers l’hôpital avec leur voiture de livraison.
C'était encore très tôt le matin. Il n'était pas encore 8H.
Arrivé à l’hôpital, la première des choses que le personnel nous dit c'est qu'il n'y a pas de médicaments. Mes larmes ont commencé à tomber. Une vielle dameme dit "mon fils au lieu de pleurer, regardez la pharmacie initiative de Bamako de l’Hôpital Gabriel Touré. Le magasin est plein de médicaments. La boutique avait été pillée durant les débordements de janvier deux mois plutôt. Ils n'avaient pas réparé la boutique, on ne pouvait pas se douter que le magasin était plein de médicaments. cela nous a temporairement sauvé mais ce n'était qu'un répit. Les morts arrivaient. Les blessés arrivaient de tous les cotés et ça ne faisait que commencer.
J'enviais les militaires, eux au moins avaient certainement plein de stock de médicaments contre les blessures de guerres. Mais nous avons été beaucoup secourus en médicaments par les pharmacies privées de Bamako. Les gens ont apporté aussi à manger à l’hôpital pour les blessés, et les autres.
Aux environs de 8h30 les camarades viennent me chercher pour aller rencontrer le secrétaire général de l'UNTM venu nous voir à l'Hoptal Gabriel Toure. Ma rencontre avec Bakary Karembé a été brève mais très instructive. Je lui ai dit que nous attendions que les travailleurs aillent en grève illimitée jusqu'à la chute de Moussa. Il nous a assuré du soutien total de l'UNTM à notre cause, et nous avons décidé de nous retrouver à la bourse du travail pour la suite.
Nous avions l'UNTM. Il fallait passer à l'offensive et essayer de rallier les soldats de base à notre cause. Dans la déclaration que je rédige dans l'après midi et qui sera distribuée dans les camps militaires dès le soir, l'AEEM demande à "nos frères en armes malmenés et délaissés comme nous et le reste du peuple, de prendre leur distance vis vis du régime sanguinaire et corrompu du Général Moussa Traoré, et de ne pas se rendre complices des vampires". Nous n'étions pas contre tous les militaires malgré l'opposition que l'on faisait dans le pays entre civils et militaires, et surtout entre élèves et soldats, depuis 1968 et le coup d'état militaire qui reversa Modibo Keita, et surtout depuis l'assassinat de Cabral le 17 mars 1980, la dissolution de l'UNEEM et la neutralisation de toutes contestations estudiantines organisées dans le pays. Nous étions certains que ce qui se passait choquait n'importe quel malien civil ou militaire. Quoi qu'il en soit, nous comptions dans notre calcul sur le fait que l'armée et les propres gardes de Moussa allaient l’arrêter à cause de sa folie meurtrière pour s'accrocher vainement au pouvoir en déshonorant au passage les vrais soldats dignes de ce nom. Hommages aux officiers et aux soldats qui ont agit et arrêté Moussa pour mettre un terme à la folie. Même si le président était bon à cueillir dès le 22 mars quelqu'un devait s'y coller. Ils l'ont fait, tardivement à mon goût mais mieux toujours tard que jamais.
La décision de la mobilisation de l'armée pour affronter les enfants était une raison suffisante pour arrêter Moussa avant le matin du 22 mars 1991 afin d'éviter le bain de sang des quatre jours du soulèvement populaire.
A 18hoo lors de la réunion du bureau de coordination de crise à coté de l'école de Bozola, nous étions unanimes: la victoire est certaine. Moussa n'est plus président du Mali, il ne peut plus l'être, on attendait que ses gardes l’arrêtent et nous l'amènent. Le soir du quatrième jour, le 25 mars, Moussa est arrêté et les militaires viennent e lendemain à la bourse du travail en disant nous avons arrêté Moussa, voici le pouvoir. Le reste
est connu.
Le pouvoir individuel peut rapidement rendre fou.
Ce 22 mars est le véritable jour où le régime de Moussa basculé dans la folie.
Le candidat du RPM qui a traité Moussa Traoré de grand républicain et démocrate au cours de son investiture en tant président démocratiquement élu, a trahit le peuple malien, ses martyrs et sa lutte, en voulant falsifier l'histoire.
Moussa n'a jamais été qu'un dictateur sanguinaire et incompétent qui est responsable en premier de la dégringolade et de l'état chaotique de l'armée malienne. Tout Bamako était au courant de la corruption dans l'entourage du président et également au service des équipements de l'armée, à la douane etc.
La médiocrité démocratique et morale actuelle est préoccupante.
Le détournement de la radio et la télévision d’État à des fins partisanes, et la glorification du pouvoir actuelle rappellent cruellement, de façon désagréable et révoltante, l'époque du parti unique, l'époque où on disait que Moussa était le seul homme capable au Mali.
Les jeunes doivent et peuvent faire la part des choses. Les anciens savent qu'il ne faut pas se laisser impressionner par tous ses courtisans essayant de flatter et glorifier un homme qui a échoué sur toute la ligne. Il est peut être le seul au Mali à ne pas le savoir.
Il n'y a rien à faire. Il faut réaliser l'unité autour d'un idéal de changement clair, net et sans bavure, de façon démocratique dans les urnes. En procédant dans l'unité et la cohésion, le Mali sera un pays nouveau en juillet prochain, quelques soient les magouilles et les achats de conscience sans vergogne auxquels nous assistons de la part de certains au sein de la classe politique corrompue dont l'existence même est une honte pour la démocratie et un affront intolérable à la mémoire des martyrs de la révolution.
Hommages aux martyrs, et une pensée profonde, pleine de souffrance et d'amour envers toutes les victimes, et envers les nombreux blessés dont certains se soignent encore ou vivront avec un handicap et des séquelles pour le restant de leurs jours. Le Mali véritable, les fils et les filles dignes du Mali ne vous oublieront jamais.
Oser lutter, c'est oser vaincre. La lutte continue pour le Mali Nouveau stable, fier, libre, juste et démocratique.
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Aguibou Koné, candidat à l'élection présidentielle malienne en 2018, Président du Mouvement A Yèlè (Ouvrir).
Président fondateur de SOS Nature.
Président du Bureau de Coordination de Crise de l'AEEM pendant la révolution de mars 1991, membre de la commission adhoc AEEM - représentant du régime en février 1991.
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