Béatrice Damiba, ex-ministre burkinabée, dénonce le système des « câblos », privant tout le secteur de la production de revenus et d’investissements.
Dans des villes comme Abidjan, on évalue à 46 % les foyers accédant à la télévision via un réseau informel de distribution. Même si elles représentent un coût d’opportunité intéressant au premier abord pour les téléspectateurs, ces méthodes de piratage entraînent sur le continent une perte estimée à 120 milliards de francs CFA (183 millions d’euros) par an pour le secteur audiovisuel et entravent un développement pérenne de la production africaine.
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Plusieurs formes de piratage sévissent dans les pays africains. Très ancrées dans les habitudes des ménages, elles émergent sous différentes formes selon les usages. Prenons l’exemple du système des « câblodistributeurs » qui s’est imposé au Sénégal, en Guinée, en Côte d’Ivoire ou au Cameroun. Communément appelés « réseaux araignées » ou « câblos », ils s’enrichissent au détriment des réalisateurs et professionnels locaux du cinéma.
Tentaculaire et invisible
Leur fonctionnement est simple et ingénieux : il s’agit d’un système de redistribution de chaînes via des réseaux de câbles reliés directement depuis la base du câblodistributeur jusqu’à la télévision du foyer. Nul besoin de parabole ni de décodeur. Ce câblodistributeur récupère des décodeurs pirates ou bien utilise des abonnements individuels pour en redistribuer les chaînes, via son réseau, à moindre prix.
Pis : sur certains marchés, des opérateurs considérés comme tout à fait formels, parfois des chaînes locales, utilisent cette technique pour diffuser certains programmes, souvent des films récents ou du sport, sans payer de droits de diffusion.
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Le piratage technologique n’est pas en reste. Il est encore plus destructeur de valeur puisqu’il est à la fois tentaculaire et invisible : décodeurs pirates, captation du signal grâce à une parabole, streaming illégal… Autant de méthodes qui demandent beaucoup plus de ressources pour être combattues. Les techniques de piratage sont nombreuses, les raisons parfois légitimes, l’opportunité financière difficilement contestable, mais les dommages collatéraux sont dévastateurs pour l’ensemble d’un secteur et donc d’une économie.
Gratuité apparente
Quel que soit leur nom d’usage, ces câblodistributeurs s’accaparent de façon souterraine le paiement de plus de trois millions de foyers. S’il ne fallait retenir qu’un seul chiffre : 120 milliards de francs CFA qui ne sont pas réinvestis dans le secteur audiovisuel, ni dans la production, ni dans la technologie. Ces milliards s’envolent chaque année et ne s’ancrent dans aucune dépense utile au secteur : pas d’emploi, pas de contribution à l’économie, pas de production, pas de professionnalisation.
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Cette gratuité apparente est un fléau réel. L’association Convergence ne cesse de le répéter. A l’occasion du premier Marché du film d’Afrique centrale qui se tient du 15 au 23 juillet pendant le festival Ecrans noirs à Yaoundé, il faut rappeler que le piratage de la télévision payante risque de déprimer la croissance du secteur en plus de décourager l’investissement et la pénétration du marché par des éditeurs internationaux. Certains d’entre eux, comme France TV, Turner, Canal+ International ou encore BeIN Sports, ont déjà exprimé leur mécontentement à travers des communiqués de presse à l’encontre d’opérateurs ou de « câblos » piratant leurs chaînes.
Dans un contexte économique et sociétal où chaque investissement compte, car il contribue à structurer et à valoriser l’écosystème audiovisuel et cinématographique africain, je suis persuadée qu’il est nécessaire de résister à ce faux calcul qu’est le piratage.
Béatrice Damiba, ancienne journaliste, diplomate et ministre de l’information au Burkina Faso, est présidente de l’association Convergence qui lutte contre le piratage en Afrique. Elle prend la plume à l’occasion de la 21e édition du festival Ecrans noirs qui se tient du 15 au 23 juillet au Cameroun.