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« La boîte de Pandore est ce vase que la première femme de l’humanité avait imprudemment ouvert. Elle contenait toutes les misères du monde, qui se répandirent dans le monde.. Dans la boîte de Pandore, seule resta l’Espérance. »

 

Oui ou non Sékou Touré a proféré des horreurs fascisantes contre les Peuls de Guinée, tentant par là une épuration ethnique en les accusant de complot ? Oui ou non a-t-il tenté de les expulser de la nation puisqu’il les accusait aussi de n’être pas guinéens ? Oui ou non ces propos ont-ils été suivis de sévices, d’éliminations physiques, d’injustices de toutes sortes ?

Ces propos de l’homme le plus puissant de Guinée, dictateur qui n’avait rien à envier à Mussolini et à Staline, ne sont pas un délire à ranger dans la verbosité d’un illuminé pris de folie passagère. Ils sont le fait d’un idéologue maniant un appareil d’Etat qui avait déculotté toute une armée, faisant plus confiance à une milice omniprésente puisque tout citoyen guinéen était rendu par la force du Parti-Etat, flic, espion, délateur etc.

Une dictature, dont le sommet était composé des membres d’une famille.

Cela c’est l’histoire.

WO FATARA !

Sautons les péripéties atroces de cette histoire qui nous a légué le Camp Boiro, comme le nazisme a laissé à l’Europe (et à l’Humanité) d’autres camps.

Sékou Touré est mort de sa courte maladie.

Et vint Lansana Conté qui a lancé «  WO FATARA ! », avant de laisser fusiller des dizaines de nos compatriotes galonnés (ou pas), qui avaient commis la félonie d’appartenir à l’ethnie de Diarra Traoré, accusé lui aussi d’un complot.

Depuis ce « complot », nous avons au sommet de l’Etat le même père de famille dont les membres hommes, femmes, frères et enfants, se livrent à toutes sortes de tripotages avec nos finances, nos institutions, comme ces décrets tragi-comiques qui se télescopaient tout en emportant premiers ministres, ministres-présidents, etc. Un père de famille qui a à sa botte toutes les institutions – y compris la haute hiérarchie militaire ethniquement coloriée, connotée comme on voudra.

Au sommet de l’Etat de la première République, il y avait une famille. Elle a régné 26 ans durant. Au sommet de l’Etat de la deuxième République, règne la famille Conté.

Viendra le moment, incontournable où des spécialistes, politologues, anthropologues, économistes, sociologues, comptables, etc., pourront disséquer les ramifications et la généalogie de ce système. Il faudra même des griots généalogistes pour remonter le courant de ce magma de phraséologies, jusqu’aux frontières de nos empires et de nos féodalités défaits par l’irruption brutale des idéologies importées et implantées par la force du mousquet et la séduction de l’Ecole de Jules Ferry.

Mais nous n’avons pas besoin de remonter jusqu’au déluge pour comprendre ce qui nous est arrivé.

Qu’un soulèvement populaire, voire une insurrection nationale n’ait pu être désamorcée que par des imams, des hommes d’église, et surtout par l’épouse du chef de l’Etat, en dit long et de façon ahurissante sur la nature de ce système politique. M. Kouyaté eût pu former un gouvernement de 22 ministres qui serait représentatif de notre diversité régionale et ethnique, que cela n’aurait rien changé à l’affaire.

La perversion du système gît dans l’accord intervenu entre les négociateurs parlant au nom des populations soulevées d’une part, et les institutions républicaines représentant le chef de l’Etat, d’autre part. Plus précisément, par l’intervention décisive de Henriette Conté adoubée par le « petit frère » Babanguida. Voici une profonde crise populaire dont les racines plongent dans une sombre histoire commencée il y a près de cinquante ans, qui trouve son dénouement dans une palabre familiale !

Le contenu de cet accord ne peut que refléter sa nature ancillaire, sa « bâtardise », pour parler comme notre inoubliable Amadou Kourouma des « Soleils des Indépendances ». Il n’est point besoin d’être un politologue ou un constitutionnaliste pour voir qu’au mieux, il ne pourra que reproduire le système qui l’a enfanté.

Petit monstre arraché à une sanglante césarienne, tous les actes qui en découleront seront marqués du sceau de cet accouchement au coin du feu où trône toujours un « pater familias » qui n’a renoncé à aucune de ses prérogatives.

Maintenant on veut nous associer à son baptême, pendant que certains plumitifs veulent interdire aux griots que nous sommes, de chanter un peu sa généalogie génétiquement mêlée ! L’Etat de droit serait-il donc incompatible avec le respect de nos traditions ?

On nous dit que la Guinée est une famille !

Alors il faudrait choisir entre l’Etat de droit et la famille, avec un Père de famille omnipotent !

NON, LA GUINEE N’EST PAS UNE FAMILLE !

Et il faudrait arrêter définitivement cette « grioterie » indigne d’une nation en proie aux démons de toutes les manipulations ethnostratégiques qui n’a pas peu contribué à la pérennisation de cette molle dictature dans laquelle est engluée la Guinée depuis 23 ans. Nous avions écrit dans notre Manifeste Guinée 2010 Odyssée de l’Impasse, que la conscience du Guinéen était la proie d’un vaste Bluff soigneusement préparé par le lavage de cerveau auquel il avait été soumis par la dictature sanglante et rhétorique de la première République. C’était le temps du Parti-Etat au sommet duquel régnait un homme entouré de sa famille biologique.

Dans cette deuxième République, nous n’avons plus affaire avec un Parti-Etat, mais au « P.D.G. plus le libéralisme », comme l’a si bien défini un de ses premiers responsables, aujourd’hui deuxième personnalité de l’Etat, Aboubacar Somparé, Président de l’Assemblée nationale. Ce parti est assurément national, puisque à Mamou, le P.U.P. a su trouver tous les équilibres ethno-régionaux, pour bâtir un Parti qu’il a offert à un homme, au Général-Président Lansana Conté qui a su en faire un usage patrimonial, familial. (« Mon argent, ma télévision, » etc. ).

Tout est dit.

Alors la télévision ne parle que de lui. Les caves de la B.C.R.G., les recettes de chez dame Olga (Douanes), il les attend au volant de sa Hummer, etc.

Peu importe que le directeur du Budget, que celui des Impôts ou des investissements, ou même que le Gouverneur de la Banque centrale ou n’importe quel poste-clé de la haute Administration soit occupé par un Peul ou par un Soussou ou par un Guerzé, un Nalou, un Koniagui, un Malinké, etc. Ils feront tous partie des 200 prédateurs qui ont ruiné l’économie du pays.

Mais ils ne le font qu’avec le sésame de la possession virtuelle de la carte du P.U.P.qui leur ouvrira la caverne d’Ali Baba.

De fait, cette clé magique, on l’obtient au terme d’un parcours complexe, fait de liens familiaux, idéologiques, d’allégeances de tous ordres, bref, disons le mot qui convient et qui est une récente trouvaille de la mondialisation technologique : c’est savoir se mettre en réseau.

 

Nous avions eu le Parti-Etat de Sékou Touré. Maintenant nous avons le Parti-Conté. En effet les grandes institutions républicaines comme l’Assemblée nationale, la Cour suprême, le Conseil économique et social, le Conseil national de la communication, ne sont que des courroies de transmission, des caisses de résonnance de l’Autorité suprême.

Et au-dessous de l’Administration centrale, l’administration territoriale vient de sortir du cadre électif, de décentralisée, elle redevient purement déconcentrée, aux ordres. Ainsi des maires, (notamment ceux de la capitale), des chefs de quartiers, de districts sont nommés par Lansana Conté. Du moindre petit village ou quartier, tout remonte par des voies directes ou labyrinthiques (celles des marabouts et autres apprentis sorciers n’étant pas les moindres), au sommet où trône le pater familias, Père de la nation.

Il va de soi que ce gigantesque mécano machiné à partir de nos traditions dévoyées et des techniques d’information et de désinformation, ne peut tenir et fonctionner qu’avec de l’argent amassé grâce notamment à l’usage privatif du service public.

D’où la corruption généralisée qui se nourrit à trois mamelles : l’incompétence, la cupidité et le manque de patriotisme. Ne nous attardons pas sur ces tares quand tout est pourri. Comme un arbre rongé dans ses racines par une vermine qui grouille partout dans ses nervures. C’est cet arbre que les récents évènements viennent de secouer, et ont failli l’abattre. Mais il tient encore. Et il tiendra aussi longtemps que l’eau polluée à laquelle il tire sa sève ne sera pas évacuée dans les caniveaux de l’Histoire.

Eau fangeuse qui vient d’un puits creusé depuis la première République où l’on entretient deux monstres idéologiques cannibales.

L’ECOLE GUINEENNE ET LE DIVORCE DU COUPLE GUINEENS DE L’INTERIEUR ET GUINEENS DE L’EXTERIEUR

Il s’agit d’une part, de l’instrumentalisation du couple Guinéens de l’intérieur et Guinéens de l’extérieur, et d’autre part, de l’ethno-stratégie.

En 1962-63, à la première promotion de l’Institut polytechnique, Sékou Touré avait lancé : «  C’est vous qui gouvernerez ce pays ! ». Et il a tenu parole. Les principaux idéologues de la première République et ceux du P.U.P.sont issus de cette Ecole. Ce sont eux qui mettront en place le système de l’Ecole guinéenne (concept à ne pas confondre avec des murs lépreux cernant un préau où grouillent de jeunes gens), qui parviendra à verrouiller l’Administration et tout l’appareil politico-administratif.

C’est cette Ecole qui réussira à stopper net l’expérience de Jean-Claude Diallo et Vatrican (le marabout blanc des années 80).L’entrée dans un gouvernement largement dominé par des militaires, d’une dizaine de civils, qui plus est issu de la diaspora, devait précéder le retour et la réinsertion de cadres guinéens expatriés, et tout un programme de mobilisation de l’épargne de la diaspora, afin de la réinjecter de façon plus rationnelle dans l’économie du pays. Au total, ceci devait aboutir au dégraissage d’une fonction publique pléthorique (90 000 en 1985), réformée avec l’insertion de cadres de haut niveau et aux expériences pratiques multiples.

Sans insister sur l’échec de cette expérience, nous évoquerons rapidement ce qui l’a provoqué.

  • le combat acharné des tenants de l’Ecole guinéenne dont le plus pugnace (et le plus visible) fut Zaïnoul Abidine Sanoussi
  • l’opposition feutrée, sournoise quoique ferme, d’une certaine France qui a tout fait pour faire pièce à ce retour significatif des cadres de l’extérieur. Ainsi notre partenaire historique après avoir poussé dehors Vatrican, suivi peu après de Jean-claude Diallo, envoya une équipe de communicateurs et de formateurs, pour dit-on réformer l’administration. A l’exclusion de tout apport puisé dans les réserves des Guinéens de l’Extérieur.
  • Nos partenaires trouvaient exorbitant le coût financier de leur réinsertion ! Faisant mine d’oublier qu’un seul de leurs experts coûtait plus de 60 000 FF, sans parler des avantages en nature et autres indemnités d’expatriation.. D’ailleurs où en est cette réforme de l’administration ?
  • Les autres ministres venus de l’extérieur se feront phagocyter par les forces centrifuges du système piloté par l’Ecole guinéenne, ou choisiront la carte ethno, pour jouer le jeu anti-national de l’exclusion de leurs compatriotes de la diaspora ! Cela d’autant plus facilement que cette Ecole guinéenne saura maquiller l’ethno-stratégie et cette exclusion dans une fallacieuse unité nationale dans le Parti qui saura doser régions, ethnies, corporations et lobbies de féodalités et de courants religieux.

On voit la complexité et la perversité de cette combinatoire faite d’une contradiction artificielle entre Guinéens de l’intérieur et Guinéens de l’extérieur, d’une part, d’un efficace lobbying que nous désignerons faute de mieux, du vocable fumeux d’ethno-stratégie camouflée dans un appareil politique dont les ramifications remontent au Père de la nation, d’autre part. Mais l’ensemble étant une construction idéologique élaborée par une petite « bourgeoisie » locale de fonctionnaires, qui s’alliera avec qui saura trouver les chemins tortueux (les ci-dessus ramifications) d’un réseau dense d’ethnies, de position sociale (de classe ou administrative), d’amitiés, de famille, etc. Elle s’attachera surtout la connivence juteuse de la bourgeoisie compradore de l’import-export, extraordinairement trans-ethnique ! On y croise des Libano-Syriens, des Ukrainiens, des Russes, des Chinois, des Hindous, des Pakistanais, etc.

Pour faire simple, le P.U.P., est un Parti national à l’exclusion d’un pan entier de la nation : les Guinéens de l’extérieur.( A suivre.. ).

Saïdou Nour Bokoum, écrivain

 

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