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DENOUEMENT, PREMICES D’UNE REPRODUCTION DU MEME

NB : de jeunes « écervelés » ou amnésiques ou simplement pressés d’en découdre avec les lenteurs et « fantaisies » de l’histoire guinéenne, viennent de commettre un « post » qui sous-entend que notre Monenembo national est le seul Guinéen qui a, sauf votre respect mesdames, quelque chose dans le pantalon ! Eh bien non jeunes gens ! Vous m’êtes bien sympathiques –je connais au moins deux d’entrevous – l’intellectuel doit lire, à, rebrousse-poil s’il le faut. Vous n’étiez pas là quand on a lynché Monenembo en hurlant haro sur le baudet « Samba Ngari » ! Mais il est de votre devoir de lire et savoir l’histoire récente, pas seulement celle des RS.

Le rôle du P.U.P. qui s’est apparemment effacé lors des derniers évènements sanglants, a été déterminant dans la résolution temporaire de la crise que nous vivons, cela, avant même le coup d’éclat du camouflet infligé à Lansana Conté par une Assemblée nationale jusque là aux ordres, qui a refusé la prorogation de l’état de siège. Puisque les institutions républicaines, ce sont finalement des hommes sortis du vivier du P.U.P., même si tous ne sont pas des hommes de meetings. Mais par delà le P.U.P., tous les négociateurs de la sortie de crise sont issus du même système, de la même culture : société civile comme syndicats. N’en déplaise à la bonne foi de leurs leaders, qui n’ignorent pas qu’un système idéologique vieux d’un demi-siècle agit à la manière d’une pandémie, par contamination aveugle et massive..

A-t-on suffisamment médité l’absence des Partis politiques, (dont au moins les 4 ou cinq plus grands parmi eux, sont dirigés par des Guinéens qui vivaient à l’extérieur, alors que l’immense majorité de leurs militants sont évidemment des Guinéens vivant à l’intérieur du pays), dans toutes les phases des négociations qui ont abouti à ce compromis ?

Mesure-t-on les conséquences et la signification de l’absence des vrais acteurs de l’accélération de l’Histoire en ces semaines tragiques, notamment ces jeunes du Golfe persique, dont plus de 300 sont tombés sur le champ d’honneur ?

Et qu’exigeaient les vrais acteurs du soulèvement populaire ?

Le changement, la fin du système symbolisé par Lansana Conté, système mis en place par ces mêmes institutions qui ont paradoxalement été les interlocuteurs des représentants des syndicats et de la société civile ! Exigence qui à un moment pathétique, avait été celle de ces leaders aussi, qui ont donc finalement fait machine arrière.

La composition du gouvernement de Lansana Kouyaté, les pouvoirs qui lui sont concédés en tant que chef du gouvernement, seront-ils à même de mettre en place une commission internationale pour identifier les auteurs des crimes pendant les terribles journées de Janvier, afin qu’une juridiction internationale les juge et condamne les coupables ?

Sauront-ils mettre en place les institutions qui conduiront à l’Etat de droit, après une transition dont la raison d’être essentielle est précisément cela, à commencer par la mise en place d’une commission nationale électorale véritablement indépendante ?

PAS DE PERIODE DE GRACE PENDANT UNE TRANSITION

Il ne faut cependant pas se voiler la face, en disant qu’il faut attendre je ne sais quelle période de grâce, et voir.

En effet attendre la fin de la transition pour entamer les réformes urgentes au moyen des instruments évoqués ci-dessus (théorie du changement graduel prônée par les négociateurs de l’accord tripartite), c’est construire une gigantesque pétition de principe. Car c’est dès la transition qu’il faut entamer le démantèlement du système Conté amplement analysé plus haut.

Thierno Monenembo, en mettant le doigt dans l’engrenage – de façon provocatrice dit-il –,en faisant un gros plan sur « la question peule » , a permis ainsi à certains de ses contradicteurs de faire semblant de ne pas voir que la problématique ethnostratégique est ailleurs, mal enfouie dans la subtile et grossière combinatoire d’un Parti-Etat privatisé, sous l’œil débonnaire d’un prétendu Père de la « famille » guinéenne , qui exclut tout de même près d’un tiers de la nation ( les Guinéens de l’Extérieur ), tout en exhibant un équilibre ethno-régional hâtivement baptisé national. Monenembo a donc mis le doigt dans l’engrenage d’une machine totalement grippée, en déconfiture.

Qu’attendre d’un accord qui laisse intactes les structures essentielles d’un Etat privatisé par le Père de la nation qui n’a de cesse d’affirmer à la nation, « ils sont venus nous mélanger » après un mémorable « wo fatara ! », qui n’a pas fini de traumatiser le pays profond ? Monenembo n’a dit que ce que chacun murmure à la lumière blafarde des chaumières, des entrées-couchers ou sous le néon somptueux des salons cossus.

«  Ouf, celui-là est malinké.. oh zut un Peul, waou ! un Soussou, pas possible.., enfin un Toma, etc.. » .

Il n’y a pas de peuple lâche.

Nous l’avons dit plus d’une fois. Pas plus qu’il n’y a de peuple hypocrite.

Le gouvernement de M. Lansana Kouyaté est connoté de la peau jusqu’à la moelle. Sans doute pas sous l’angle où Monenembo le montre. Il l’est dans la mesure où il a surgi des tréfonds du système Conté. Disant cela, et accordant à M. Kouyaté le bénéfice de la bonne foi, je ne pense même pas aux détenteurs des portefeuilles issus du sérail de la mal-gouvernnace qui sont franchement de trop.

En revanche, je trouve plus préoccupant, ce départ d’une tranquille reconduction du système responsable de la ruine de toutes les ruines du pays. En cela, devant l’Histoire, M. Kouyaté ne sera pas plus comptable que les responsables des syndicats et de la société civile.

Les chercheurs de vérité pourront, s’ils en ont la volonté, trouver un document qui a circulé pendant les années 90, années de braise de l’accouchement de l’Etat de droit où les idéologues de l’Ecole guinéenne, nourris de la fange de l’ethnostratégie, ont décrit dans ses moindres détails, cette stratégie pour la promotion d’une certaine frange de la nation dans tous les secteurs leaders de la vie administrative, économique, sociale, culturelle et politique du pays.

Il faut être juste. Cette promotion, à cause du caractère « national » du P.U.P., a débordé cette ethnie, malgré les auteurs du document, ce qui est dans la logique de ce que Gramsci appelait « l’intellectuel organique ». Mais il   avait échappé à nos médiocres théoriciens, que l’intellectuel organique est une couche sociale, en l’occurrence la bourgeoisie intellectuelle, qui doit s’allier à d’autres couches (ou classes) sociales, donc forcément dans nos quasi-nations, à d’autres ethnies, pour prendre la direction de l’Etat ! D’où la naissance du P.U.P.

Chassez le tribal, il revient au galop !

Donc le revoici, l’instinct grégaire avec l’éphémère U.D.I.B.A.G., (Union pour le Développement Intégré de la Basse Guinée), rapidement rebaptisé U.D.I.G.( Union pour le Développement Intégré de la Guinée ).

Donc l’Ecole guinéenne, malgré sa connotation ethnostratégique, malgré sa paranoïa anti-Guinéenns de l’Extérieur, reste malgré elle trans-ethnique à travers le P.U.P., à l’image de ces multinationales qui se moquent des frontières dans leur passe-temps de délocalisations qui jettent sur le carreau des régions entières avec leurs populations laborieuses.

Pourvu que ça et là, dans le cas de nos Partis trans-ethniques, on offre généreusement des « tropicalités » pour complaire au Père de la nation. Par exemple Garafiri, dont le choix était contredit par toutes les études techniques.

Les populations qu’on voulait servir pour plaire au Président sont restées dans les ténèbres, quand le barrage s’est ensablé avec l’argent de tous les Guinéens sans distinction ethnique.. On peut également évoquer les infrastructures routières de cette partie de la Guinée qui frise l’iniquité, en pensant à certaine zone forestière qui a récemment failli entrer en dissidence, face au déséquilibre dont elle pâtit en la matière..

Un dernier exemple. Celui de Kaporo-rails. Sait-on que c’est un sémillant jeune sociologue qui aurait commis une étude démontrant qu’il y aurait péril peul en cette périphérie de la presqu’île de Kaloum réputée être terre patrimoniale d’autochtones ainsi menacés d’engloutissement d’un côté par la mer, et de l’autre par des hordes de militants «  venus nous mélanger », pour parler comme l’autre ? Mais O paradoxes de l’ethnostratégie, c’est un Peul qui a fait le sale boulot des bulldozers de son ministère. C’est encore un éminent Peul qui a donné sa bénédiction avec force arguments juridiques, qui justifieront l’arrestation d’un de ses pairs députés, qui avait seulement le tort lors d’un meeting, de jouer son rôle d’opposant. Il y avait un Malinké qui devait habiller tout ce gâchis national dans le jargon sans recours de la plus haute juridiction de la République.

On peut ajouter quelques seconds couteaux, comme Goureissi Condé, Malinké arrêtant fièrement Alpha Condé, Dansa Kanté malmenant ses congénères à Kérouané, Sidi Sissoko et ses wassa wassa à Siguiri, le même, faisant chicoter des muezzins à Dinguiraye sa ville natale.. Mais ces «  bizarreries » de brebis galeuses égarées, opposées aux intérêts supposés de leurs ethnies, souvent même nommées ou sommées d’aller tyranniser dans leurs préfectures d’origine, ne sont qu’un perfectionnement, une sophistication de l’ethnostratégie dont ils ne sont que des pions dont joue le Roi qui peut chanter «  échec et mat ! » quand il veut.

Pour bien comprendre la structure et le fonctionnement du système dont souffre la Guinée, il faut dire que la collusion de la bourgeoisie politico-administrative avec la bourgeoisie compradore, que cette dernière soit symbolisée ou conduite par un Mamadou Sylla Djankanké, ou par un groupe de Peuls (Alseni Barry, Alpha Amadou et autres « Sans lois »), cette alliance est contre-productive. Elle ne relève pas vraiment de l’économie de marché, qui suppose la libre concurrence. Elle ne le peut pas pour cause de mal-gouvernance et surtout à cause de son archaïsme.

Il serait hors de propos d’entrer ici dans les méandres des attributions du marché du ciment ou de celui des fournitures du riz par exemple, qui se règlent autour d’un plat de Konkoï à Gbantama ou sous le fromager du Père de la nation. Contentons-nous de noter que 26 ans de commerce d’Etat géré par un Parti-Etat incarné par l‘Homme-Peuple, plus 23 ans de contre-production organisée par des prédateurs en cols blancs (les vrais apatrides de ce pays), ne pouvaient déboucher que sur l’explosion populaire que l’on sait.

C’est pour tout ce qui précède que la Guinée n’est pas une famille. Son linge sale ne saurait donc se laver en famille. D’ailleurs où trouverait-on tant d’eau ! Il est donc nécessaire et légitime de lire à la loupe tout gouvernement, toute structure, toute institution mis en place par le ci-devant système qui n’a fait que trembler dans ses fondements, mais qui est resté encore intact.

Pour ce faire, il n’y a pas d’autre cadre, d’autre instance que celui qui permettra au peuple largement représenté, de mettre définitivement par terre le système tout entier, cela par le moyen d’un large débat national. Qu’on appelle cela Forum, Assises, Concertation, peu importe, mais les Guinéens doivent se regarder en face, se parler franchement.

Ils devront notamment s’avouer que dans chaque foyer guinéen, il y a eu, il y a un petit (ou grand) tortionnaire, ou au moins un de ses complices, vivant, ou mort en liberté. Et ceux qui vivaient à l’extérieur ne sont pas à l’abri : la complicité du silence est souvent plus toxique que la complicité active. Il y a même pire. Dans la tête de chaque Guinéen ou presque, sommeille un petit Sékou Touré ou alors son héritier (suivez mon regard).Car le premier avait fait de chaque Guinéen ou presque, un milicien, un délateur, un sourd-muet aveugle et amnésique..

Bref, quand on se sera dit tout, on se demandera sur quel repentir on scellera la réconciliation. Lors de ces rencontres, on devra refonder la République, voire la nation sur une charte qui introduira deux lois constitutionnelles :

  • une pour rééquilibrer la représentation régionale dans un Parlement rénové
  • une loi qui inscrira dans cette charte un Devoir de mémoire où l’on traitera notamment des crimes de sang, des crimes économiques, et ce, depuis la première République,
  • une loi sur l’organisation des Partis politiques pour au moins contenir les facteurs ethniques et ou régionalistes.

En attendant ces Assises nationales dont la tenue semble être le vœux de plus en plus de monde ( rappelons que c’était là, la conclusion de l’analyse du Manifeste Odyssée 2010 ),ce débat sur la Toile restera une tempête dans un verre d’eau, s’il se ramenait à de pitoyables petits lynchages médiatiques, symptômes récurrents de ce lavage de cerveau dont nous avons tous été victimes à un titre ou à un autre, exilés que nous sommes de notre propre histoire, à cause d’une dictature qui dure depuis 50 ans.

Saïdou Nour Bokoum, écrivain

Signataire du Manifeste Guinée 2010, Odyssée de l’Impasse

Voir aussi site www.manifeste-guinee2010.com

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